Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/206

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une pensée. On a prédit à ce paysan qu’il mourrait d’une fourche, à la même place que son père. Si cette pensée lui vient en cette place, et dans un périlleux équilibre, le voilà embroché. Et, parce que le récit de veillée emporte ces choses merveilleuses selon une autre loi, on croit toujours aux signes plus qu’on ne voudrait, et même plus qu’on ne croit y croire. On n’aime pas trop l’oracle qui vient surprendre ; on aime mieux l’aller chercher. On ne va au temple que si l’on veut ; on y cache toute la peur, si on peut ; et c’est une naïveté admirable, et en somme assez savante, que de dire que nul n’y peut entrer. L’adolescent pose son offrande au seuil et s’en va ; il ne demande rien ; ce mouvement est adorable, car c’est celui du bonheur.

Suivons encore une fois les coureurs des bois, les meneurs de troupeaux, les émigrants, les nomades. Non seulement un oiseau, une troupe d’oiseaux, un galop de bête signifie quelque chose ; mais même