Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/216

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faut-il dire qu’on usait surtout des sorciers parce qu’on les craignait. Aussi il n’y a point d’amitié pour les sorciers, et ils le savent. C’est leur métier de ne jouer que sur la partie basse de l’homme ; et c’est leur consolation de mépriser. Sans doute ne choisirent-ils jamais ce triste métier ; mais plutôt ils y furent comme exilés et condamnés, d’après une puissance d’abord involontaire. Mais il faut compter aussi avec l’injustice enfantine, qui cherche d’abord des sorciers partout, et divise le monde des hommes en bons et méchants, ce qui confirme les uns comme les autres. Il n’y a point de famille où l’on ne se serve de quelque nain très inoffensif, ou de quelque bossu, ou de quelque chiffonnier, pour obtenir que l’enfant mange sa soupe ou aille au lit. C’est faire grande injure à l’homme, car il joue enfin son rôle d’épouvantail ; et voilà une sorte d’amitié diabolique. C’est comme de faire peur d’un chien en disant qu’il est méchant ; même un chien, cela ne