Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/217

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contribue pas à le rendre bon, car les signes de la prudence et de la défense sont renvoyés et imités mille fois comme par un jeu de miroirs ; et les yeux qui observent qu’ils font peur font très peur. Tel est l’éclat sinistre de ce mauvais œil, si redouté partout, quoiqu’on ne l’avoue pas toujours. On suppose aisément qu’il fait sécher les moissons, qu’il fait mourir les vaches, et qu’il est même funeste aux enfants. Songez aux répercussions, en celui-là même qui sait ou soupçonne qu’on croit qu’il a un tel pouvoir. Le sorcier est toujours plus sorcier qu’il ne veut. Les malédictions et conjurations s’expliquent assez par ce cercle terrible, que souvent les sorciers n’ont pas tracé si profond. On les hait, on les prie, on les paye, on les maudit, on les brûle, et tout cela va de soi. Tout le mal d’imagination va de soi. On voit qu’il est nécessaire de démêler les mille sources des passions religieuses. Il serait absurde de penser que l’Église a inventé les sorciers.