Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/237

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comme il est, et à la prudence que requiert la moindre existence humaine, si elle ne veut retomber à toujours dans le rêve animal.

Ces émouvantes et humiliantes vérités sont en clair dans la légende du serpent tentateur ; mais, parce qu’alors elles ne nous touchent point à la manière d’une réelle nature, tout se passe comme si nous ne comprenions pas qu’il s’agit de nous. Mais à regarder le vrai serpent, qui ne nous parle que de lui et de sa propre suffisance, nous comprenons qu’il s’agit de nous, et que l’esprit est une faible mise sur l’immense tapis. C’est ainsi que la métaphore, tout le long de nos pensées, éveille avec précaution l’obstacle vrai, que le penseur abstrait oublie trop aisément. Car le oui et le non, et la contradiction in terminis sont un genre d’obstacle qui a aussi son importance, mais seulement de grammaire ; et la logique est bonne seulement à porter l’image du poète, et à