Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/242

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absents, le feu est roi ; il réchauffe et il éclaire. L’art d’entretenir le feu, que les animaux n’ont point, dépend beaucoup de l’outil, beaucoup de la main, beaucoup de la prudence. Chacun connaît cette fille, dans Dickens, qui aperçoit toutes sortes d’histoires dans le charbon ardent. Proust, encore plus subtilement, écoute à travers la porte un feu qui remue comme une bête. Cet édifice ne cesse de s’écrouler ; il est la meilleure image des forces et des transformations. Kant cite comme un ancien problème cette question d’un philosophe : “Combien pèse la fumée ?” D’autres ont médité sur l’étincelle qui s’envole ; d’autres sur la cendre ; tous sur la chaleur de la flamme, chaleur si évidemment la même que celle des corps vivants. Le foyer est un centre de pensées métaphoriques ; et toutes les ombres ramènent à l’homme ; toutes sont chères. Ici est la provision d’une autre poésie, qui est comme une image renversée de la nature extérieure ;