Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/251

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dans un coup de poing, dans un coup de hache, dans un coup de rame ; mais pourtant mesuré, parce que l’obstacle insensible transforme l’effort en travail.

L’obstacle qui convient au héros et qui forme le héros, c’est l’ennemi, c’est-à-dire le semblable, et le très estimé semblable, le rival enfin, pour tout dire, et le rival qu’il juge digne de lui-même. Il n’y a donc point de héros achevé sans quelque guerre solennelle, sans quelque défi, sans quelque longue attente d’un autre héros, réputé et raconté. L’homme aime le sauvetage, et la chasse, et tous les genres de risque, par une partie de héros qui ne dort jamais tout à fait. Mais pour faire sortir tout le héros, il faut la chasse à l’homme, la plus dangereuse de toutes ; il faut un genre d’effervescence, propre à la cité ou à l’assemblée, une peur et une espérance des faibles, une insultante menace, un délai, un lieu fixé, un titre mis en jeu, une cérémonie, une publicité, une préparation même, qui est