Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/253

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l’obstacle humain a ceci de propre qu’il est fort d’orgueil, et d’abord plus puissant par la menace, plus puissant par les signes de force qu’on lui jette, supposé semblable, pour tout dire, et domptant sa propre peur, et ne tenant que par un prodigieux équilibre, toujours menacé par lui-même ; car le tremblement de la colère est une sorte de présage. D’où il vient que la folle résolution du cheval, qui se crèverait à arracher une montagne, devient plus folle encore dans l’homme par le premier ébranlement de la peur, qu’il sent en lui, qu’il devine en l’autre, et qui lui conseille de se perdre tout premièrement, afin d’étonner d’abord, et de doubler le coup par l’assurance. Ce rassemblement et recueillement avant le départ, si remarquable en toute action difficile, n’arrive pourtant jamais à bander aussi fortement le ressort que dans le héros, et devant l’obstacle humain, déclaré, reconnu, résolu. Non que la mort propre soit prise comme