Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/255

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pas doux non plus, ni bon. Il est important de savoir que le dieu des cités n’est pas premièrement aimable, et qu’on ne l’admire jamais sans le craindre ; et ce n’est pas seulement parce qu’on l’admire d’être craint ; le peuple est plus subtil encore, et s’attend à quelque négligente humeur, qui, sans aucune raison, secoue la terre. Le Jupiter d’Homère, ce vainqueur des Titans, prend sans y penser, de sa cuiller, les biens dans un tonneau, les maux dans un autre, et de ce mélange il fait la destinée de chacun. Le poète a touché ici un genre de mépris qui est bien au-dessous du mépris. Quand on dit que l’on pardonne au héros de n’avoir point les petites vertus, on ne dit pas encore assez. Tel est donc ce feu humain, aussi inhumain que l’autre, et qui brûle au foyer des foyers.