Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute histoire. Le mouvement de l’enfance se retrouve là ; mais il ne survivrait point à l’enfance, s’il n’était confirmé par de meilleures pensées, et tout à fait viriles. Le fait est que les travaux, de marcher, de transporter, de creuser, de percer, de naviguer, de radouber, de dresser et lever les tentes, sont par eux-mêmes monotones et faciles ; ils sont faits et l’on n’y pense plus. Ces longs temps de la préparation sont abrégés dans tout récit. Une légion allait à pied du Pont-Euxin jusqu’en Armorique, et cela nous semble naturel. Encore aujourd’hui les mouvements de la guerre sont presque tous lents, mais deviennent foudroyants dans le récit. C’est que le drame mémorable ne commence qu’au moment où les choses lentes et lourdes sont en place. Et qui donc pense encore à les transporter quand elles sont en place ? Bonaparte, ou bien Hannibal, a franchi les Alpes et tombe sur l’ennemi. L’intérêt se trouve au bout de la distance, comme il