Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/269

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autre sûreté. L’enfant ne serait point ce qu’il est sans la garde ; le paysan non plus sans la garde. Que l’urbain tout pur soit impossible, c’est ce que signifient les charrettes du matin, les paniers, les pots à lait, le marché ; la campagne vient à la ville comme une nourriture. Mais, en revanche, la pure paysannerie est une fiction qui trompera toujours ; car l’homme semble y vivre en paix de son pain, de son vin et de son laitage. Dans le fait la campagne serait pillée tout de suite sans la garde urbaine. Bien mieux, les passions mettraient le feu à la ferme et au village ; car l’homme est partout soupçonneux et penseur de noir ; c’est un des fruits de l’esprit. Il sied au citadin de jouir de la paix des champs, et d’y croire. Le fait est que les vaches se rangent ; mais il n’est pas difficile d’imaginer et de craindre le coup de corne. C’est pourquoi il n’est pas juste d’aimer la grande nature, si paisible au soir, si l’on ne sait pas