Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/273

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façables, qu’il faut d’abord régner sur soi.

C’est ce qu’exprime la beauté de l’athlète, ce modèle d’homme. Et la philosophie des Grecs, si justement vantée, n’a fait que lire dans l’homme fort les quatre fameuses vertus. Se vaincre soi-même, et se bien gouverner, c’est le secret de la tempérance, du courage, de la sagesse, et même de la justice. Mais faire ce qu’on veut est un vain projet, si l’on ne sait pas d’abord diriger sa main. Le joueur de luth sait bien ce qu’il veut faire, mais il ne sait pas comment le faire. Et l’expérience fait voir que c’est toujours le corps entier qui pèse sur les doigts, qui les noue, qui les fait rebelles. L’état contracté et raidi est ce qui entretient en nous la peur de nous-mêmes ; et c’est folie d’envier la vertu du cheval, quand on n’a seulement pas à soi toute sa force d’homme. Par la découverte de l’être propre à l’homme et du pouvoir propre à l’homme, se trouve effacée de l’histoire, au moins comme modèle,