Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rants, sinon paraître toujours dans sa force fleurissante, conquis lui-même sur lui-même, satisfait d’être, et absolument réconcilié à soi ? Tels sont les Immortels. Et cette grande idée n’est point creuse. Le héros athlétique se loge en elle et la fait courir. Immortelle, car dans l’élan et dans la puissance, l’autre idée, de la fatigue, de la vieillesse, et de la mort, se trouve absolument exclue. La seule mort ici présente n’est nullement la mort intérieure, la mort de soi. C’est une mort étrangère, et voulue, et cherchée ; une mort à point nommé ; une mort défiée en champ clos, que l’on peut vaincre, que l’on sait vaincre. C’est mourir par sa propre force, non par sa propre faiblesse. C’est mourir par excès de vie. Cette soudaine défaite, le guerrier ne peut la penser de soi ; il la pense d’un autre ; en lui-même et pour lui-même il n’y croit point ; vient-elle sur ses pensées comme une ombre, il marche dessus, il l’efface d’une foulée. Tel est le matin du courage.