Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/287

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cendus au rang de moyens, il n’a pas d’amis. Toute gloire s’élève d’égalité et vit d’égalité ; car le suffrage d’honneur vaut par l’honneur du suffrage. Partout les pairs inquiètent le roi. Il voudrait des éloges moins libres ; au fond moins estimés, peut-être même méprisés. Par ce côté le roi n’est jamais juste ; il faut qu’il déprécie le mérite et se nourrisse de l’offrande extérieure ; ce qui est vanité, mais pour des fins très sérieuses. Ce mélange est dans tous les rois. La majesté gâte la gloire par une dissimulation qui est de métier. Ils croient, et moi je sais. C’est ainsi que tout roi se démet de gloire. Et le visage du héros ingénu se recouvre bientôt d’un secret impénétrable ; d’où la tête de Méduse, pétrifiée et pétrifiante. Outre que César vit des morts, et des plus belles morts. Cela glace l’amitié. Agamemnon n’est déjà plus le miroir d’Achille ; c’est plutôt un miroir terni qui ne renvoie pas l’hommage. D’où l’éloignement, le mystère,