Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/292

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le jeu du festin et de l’amour. Le destin le tire par la manche, et lui rappelle qu’il n’est pas sur son trône pour s’amuser. Bien plutôt il est l’esclave de sa propre puissance. Cette force aveugle qu’il sent derrière lui, c’est la force même, dont la loi, absolument extérieure, est pourtant l’intime loi de tout roi. Le plus ancien modèle de la loi est un décret arbitraire, qui n’est de personne, et qui est dit, fatum, comme une volonté. Il y a un dieu derrière le dieu le plus haut, comme il y a un roi derrière le roi. Cette idée plus qu’effrayante est pourtant familière et le sera toujours, autant que l’homme pourra par César et César par l’homme. Car, par les règles de l’obéissance, la raison d’État ne peut être raison, et la parole du maître est irréparable. L’esprit achève la parole, et ce n’est donc pas par hasard, mais par la structure de l’homme, que la dialectique règne finalement sur l’esprit humilié. Le héros n’avait pas voulu cela.