Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/313

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l’esprit. Ici est le fanatisme, enivré de preuves ; et l’esprit est directement opposé au fanatisme. C’est pourquoi, parmi les héros de l’esprit, il faudra toujours citer Voltaire, quoiqu’il refuse cet honneur, et très justement parce qu’il le refuse. L’esprit n’est rien, dit l’esprit. À chaque trait d’esprit il meurt un système ; un système achevé et démoli d’un même mouvement. Un souffle suffit ; vous alliez y mettre vos muscles. Ce combat dans le ciel, ce combat qu’on doit nommer préliminaire, et qui doit l’être toujours, se trouve donc ici à sa place, dans le moment où les dieux charmants risquent de mourir. Polyeucte a brisé les anciens dieux ; c’est sa manière de croire ; il craint de manquer de force ; et c’est cette crainte, en toute action, qui fait que l’on frappe à côté.

On se trompe au sceptique ; on s’y trompera toujours. Montaigne est souvent mal pris, dans sa très sérieuse entreprise où il sait que le sérieux perdra tout. Un