Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/314

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énorme chapitre, qui est d’exercice pur, écrase les autres ; et c’est très plaisant, car il devrait, au contraire, leur donner de l’air. Quant à Montaigne, il n’y a point de doute ; ou plutôt tout le doute devrait être comme un outil à cerner le vrai, à le sertir, comme il fait dans tous ses jugements, sur l’éloquence, sur le courage, sur la peur, sur l’obéissance, sur la coutume, sur la loi, sur la guerre et la paix, qui sont fermes par refus de s’empiéger. En ce travail de profondeur, jamais la sape ne s’écroule sur le mineur. “Quoi de plus sérieux qu’un âne ?” Et le célèbre discours de l’oie théologienne (car, dit-elle, n’est-il pas clair que ce grand univers a été créé pour les oies ?) est une de ces transformations irréfutables qui nous réveillent de nos pensées mécaniques. L’absurde sauve la raison, en la rejetant hors de ses produits, et toujours par une surprise explosive. Faut-il citer une fois de plus la plus belle et la plus blessante histoire de Mon-