Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/322

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que le héros sans nourriture ne peut même plus lever un doigt. L’esprit ne peut rien, et l’esprit n’est rien.

Je pense. Accordons que ce pouvoir ne change rien au spectacle ; ce pouvoir tel quel est immense. Savoir n’est pas un fait, puisque savoir rassemble les faits. Percevoir n’est pas en un lieu ni en un corps, puisque percevoir nous représente les lieux et les corps. Même le lieu n’est rien qu’un rapport ; une chose n’est ni loin ni près. Le temps n’est rien ; car une chose passée n’est plus rien si elle est passée, et une chose conservée est absolument et toujours présente. La connaissance de ces rapports mêmes, qui ne sont rien, jette dans toutes les difficultés seulement concevables ; car, par les concevoir seulement, elles ont ce même genre de ne pas être qui est commun à toutes nos idées ; et ce pouvoir même de se tromper par le néant des formes est pourtant bien quelque chose. Je rentre en moi-même, d’où il me semble que cela sort