Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/326

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universel. Ceux qui entrevirent ces choses, sans les démêler des apparitions et des puissances, formèrent de leurs métaphores la sublime, violente et fanatique religion de l’esprit, qui les achève toutes, et les détruit toutes, et menace, en chacune de ses prières, de se détruire elle-même. Cette sorte de nihilisme emporté ne la rend pas plus douce. Les Furies poursuivaient les crimes rares et atroces. Selon la religion de l’esprit, le crime des crimes c’est l’erreur. Lamartine raconte qu’il alla visiter un puissant chef de mahométans ; c’était, dit-il, un homme poli, et qui pratiquait la plus noble hospitalité. N’empêche que si quelqu’un avait mis en doute l’absolue unité de Dieu, seulement dans la conversation, il eût payé aussitôt de sa vie ce simple égarement d’esprit. Nos bûchers modernes éclairent tous de cette lumière trouble.