Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/330

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tout est symbole de Dieu ; ce qui fait que toutes les choses sont élevées au rang de métaphores, et revêtent ainsi une beauté extérieure et de reflet. Aussi cette religion est toute en gestes, et toute magique sans aucune magie. Ce chef de guerre, toutes les fois qu’il lève les bras, ses soldats sont victorieux ; et quand il les baisse, ses soldats sont vaincus. Or il se fatigue ; mais deux plus jeunes lui tiennent les bras en l’air, ce qui achève la victoire. Voilà un exemple de ces “histoires qui ne disent mot” dont parle Montaigne. Ce geste imite la création. Ce sont les idolâtres qui poussent le geste jusqu’à l’action. Folie de faire, grandeur de signifier. Ici se trouve la part du matérialisme, très attentivement conservée par l’excès même de la piété. Penser n’est rien sans signifier ; mais ce n’est pas assez dire. La pensée intime est trop misérablement loin de Dieu pour mériter jamais d’être exprimée ; mais plutôt il faudrait exprimer la pensée de