Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nisme, même borné, si l’on ne pense pas aux religions troubles qu’il a dépassées et condamnées, rabaissant à jamais les oracles au degré où nous les voyons, et niant par provision le monde ancien, où tout était miracle. C’est dire, et on ne peut manquer de le dire, que l’esprit est juge du miracle ; et, au fond, que l’esprit ne peut jamais tirer du miracle rien qui ne le fortifie en lui-même et ne lui donne ferme résolution contre tous les prestiges. Même théologiquement il faut arriver à dire que les miracles vrais ne sont exceptions que pour nos esprits troublés et aveuglés, et qu’ils confirmeraient au contraire la loi de l’esprit si nous savions tout. C’est ainsi que le Descartes éternel se bat contre le Malin Génie, Descartes toujours menacé d’erreur, et même, si l’on peut dire, assuré d’erreur ; mais la maudissant d’avance, et s’enfuyant dans son autre vie, où l’esprit se rassure de lui-même. À quoi nous mènent, dans le tumulte du monde,