Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car, au regard des anciennes religions, le saint est ce grand esprit qui ne se laisse prendre à rien de ce qu’on croit, repoussant richesses et promesses, blasphémant de Pan et de César, séparé de famille, d’honneur, de pouvoir, et même de son intérieure richesse, car il a jugé l’orgueil et doute même de son propre salut. C’est ce qu’il nomme charité, et c’est très bien nommé ; car la charité va toujours et directement contre ce qui se fait croire ; et l’amour de soi, ici rétabli en son centre, va contre tout ce que l’on croit si aisément et si agréablement de soi. Nos saints sont pauvres et dans des mansardes, comme furent toujours les Saints, et dévoués, sans se croire dignes, à une étincelle d’esprit qui ne fait rien et ne promet rien. Toutefois, quant au devoir de la sauver, et sans aucune espérance, ces douteurs n’ont jamais aucun doute. C’est pourquoi j’ai placé tout ce livre sous l’image de Christophore ou Christophe, nom qui signifie Porte-Christ.