Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/377

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confié à chacun de nous. Ce qui achève cette grande mythologie par nous mettre à l’école, de façon que nous n’allions pas oublier ni mépriser un avenir de jugements, d’hérésies et de persécutions. Car, selon l’esprit rien n’est pensé une fois pour toutes, et rien n’est réglé ; au contraire tout est à refaire depuis le commencement et avant le commencement, sous la loi de liberté et d’amour, mais avec le redoutable devoir de douter par la foi même. Nous sommes dans ce mouvement ; nous en jugeons mal. Les porte-croix s’en tiennent à ce qu’ils savent, ce qui fait qu’ils ne savent plus rien. Ceux qui ont jeté la croix oublient la condition du supplice, et voudraient faire régner l’esprit par les moyens de César. Et cette double méprise vient de mal juger de l’esprit, qui n’est jamais, qui ne peut rien, qui périt tout en son image pensée, qui ne vit enfin que par une incrédulité continuelle. J’ai voulu marquer ce caractère de ne rien croire, qui se voit dans le saint.