Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/90

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l’expérience du monde, est le commencement de toutes nos erreurs. L’enfant ignore le travail. Les jeux ne sont qu’effort sans résultat durable ; les jeux sont écrits sur le sable, comme les marelles. On efface, on recommence. On n’y trouve point la suite qui est dans les travaux, où le résultat est aussitôt moyen. Cette différence, qui éclate lorsque les jeux sont tout fiction, par exemple cortège, chanson, danse, cérémonie, est pourtant encore plus frappante lorsque les jeux imitent les métiers ; car rien n’y est fait ; tout y est parlé ou mimé ; les jeux ne mordent pas sur le monde ; et c’est que l’enfant est nourri et abrité par d’autres moyens. Qui ne mord point sur le monde, il ignore le monde. Qui ne sait transporter la loi du travail jusque dans les choses, et les lier selon la mécanique d’aveugle, celui-là ne peut savoir ce qu’il en coûte pour faire paraître un champ de blé à la place d’une friche. Tout est possible ; n’importe quoi