Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/91

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peut arriver. Ce qui, joint aux perceptions rompues et aux voyages magiques du premier âge, explique assez que tout est miracle. Les contes expriment les surprises d’un voyageur transporté pendant qu’il dort ; mais plus profondément les contes expriment une vie réelle où tout est obtenu par prière, où rien n’est gagné par travail. Le monde cependant est comme il est, et paraît à tous comme il paraît. Mais l’esprit, ce dieu des dieux, s’y joue d’abord comme Ariel, et s’y trompe sans inventer rien. Pendant ces jours où j’écris, la moisson s’est changée en tas de blé et en tas de paille ; et je n’en ai rien su ; je vois seulement que le décor a changé, et par ces génies terrestres qui apparaissent au bout d’un champ et qui en ont ainsi ordonné. C’est de la même manière que l’on m’apporte mon pain. D’où vient le pain ? Et qui s’en soucie ? Même si je m’en souciais, même si je me donnais le spectacle successivement des labours, des semailles,