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LES ANTINOMIES

pensez bien que, puisque la chose présente existe, c’est que toutes les conditions ont existé. Toutes ; et comme la série est infinie, il n’est pas possible que ces conditions aient existé ; nul infini ne peut être donné. Il faut donc que, d’une façon ou d’une autre, dans la série ou hors de la série, je pense une cause sans cause que j’appellerai cause première, et qui sera capable de commencer quelque chose par elle-même. Je l’appellerai créateur, si je veux, ou bien cause libre. Car la chose existe ; elle n’attend pas la réalité des conditions infinies. L’infini, c’est ce qui ne suffit pas. Ce beau raisonnement s’applique à la grandeur ; il n’existe pas d’espace infini ; il n’existe pas un nombre qui soit le plus grand des nombres ; non plus un temps qui soit le tout du temps ; non plus un être nécessaire en soi et suffisant à soi. Tout est conditionnellement nécessaire, c’est-à-dire contingent. Ainsi conclut l’antithèse, mais elle n’a pas le dernier mot. Chose étrange ; un même raisonnement prouve la cause nécessaire et la cause libre. Jamais l’intérieur de toute métaphysique, qu’elle soit spiritualiste