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Page:Alain - Lettres à Sergio Solmi sur la philosophie de Kant, 1946.djvu/54

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PHILOSOPHIE DE KANT

ou matérialiste, n’a été mieux exposé à la lumière, et la conclusion est encore une fois qu’on ne peut prouver l’existence, mais seulement la constater, ou, avec d’autres mots qui rassembleront tout ce que je viens de dire, que l’existence n’est pas une perfection, pas même un attribut. En sorte que le sort de la fameuse preuve ontologique est déjà fixé.

Cette preuve si célèbre tirait toute sa force de l’idée qu’un être parfait possède par définition l’existence, attendu que la privation d’existence est évidemment une imperfection. Leibniz avait donné la forme parfaite à cet argument en disant que l’être parfait est par définition possible, et que cela suffit pour qu’il existe nécessairement. On voit très bien alors ce que c’est que vouloir conclure l’existence de l’idée seule. Et c’est cela qui est impossible. L’existence n’est pas une perfection. Il n’y a pas plus de perfection en cent thalers réels qu’en cent thalers seulement possibles ; un négociant ne devient pas plus riche en rangeant ses pièces d’or autrement dans son tiroir. C’est ainsi que l’esprit ne devient pas plus riche en dispo-