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LA PERFECTION

sant ses idées d’une autre manière. L’esprit retombe sur lui-même, et ne saisit jamais l’existence extérieure par un raisonnement, mais seulement par une perception. Nous voilà donc privés de religion. Mais non pas. Bien au contraire, avoir jugé l’existence et la grandeur, ce n’est pas peu pour la religion. Et déjà vous apercevez que, s’il est impossible par le raisonnement de prouver l’existence, il est tout aussi impossible de prouver la non-existence. Ainsi finit la sophistique si célèbre. Tout l’art de réfuter de Kant consiste à faire voir sous les preuves, par exemple de Dieu par la beauté du monde, toujours la preuve ontologique qui y est cachée et qui en fait la force. Et en conclusion tout tourne en faveur d’une religion fondée sur la pratique. Aussi faut-il remarquer que le devoir et la morale se proposent naturellement au cours de la Critique, puisque ce n’est pas une petite chose de se savoir esprit, ni d’être obligé à l’égard de l’esprit intérieur. Au contraire, il va de soi que les tracasseries de l’existence ne sont rien devant un esprit qui se sait esprit, et qui ne demande jamais au