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LIBERTÉ

jamais que des frères et des semblables. Telle est la fraternité.

La liberté, comme on voit, est d’un tel prix qu’elle obtient encore le respect, même lorsqu’elle le refuse. Il faut insister sur ce premier postulat de la loi morale. La liberté s’est présentée dans une des antinomies de la Cosmologie rationnelle, comme un être étrange, et qui échappe et qui impose. Car, on s’en souvient, l’antithèse qui nie la liberté absolument, et qui semble si forte, ne peut tenir sur sa position. Pour que les conditions d’une existence quelconque suffisent, il faut penser à quelque cause non causée, et qui commence absolument quelque chose ; il faut penser qu’il y a, quelque part, une cause libre ou première. Or cette nécessité ne peut d’ailleurs qu’inquiéter, et donner de vagues espérances. C’est seulement quand on considère la morale que l’on reconnaît que, s’il n’y a de liberté nulle part, il n’y a non plus de moralité nulle part ; car toute vertu suppose l’impératif catégorique, comme dans le cas du tyran, où il n’y a point de si. Il faut ! C’est bien autre chose. Et me voilà accablé d’une dignité