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PHILOSOPHIE DE KANT

à ce qu’on raconte, ne croyait qu’il fût permis d’enlever à la Morisque l’occasion d’une mort atroce qui lui donnait le salut. Cette subtilité n’est pas étrangère au fanatique. Et finalement on se dit que tout homme est bien imparfait, jugement qui est essentiel à la conscience morale. Tout homme craint la mort comme mettant fin à ses chétifs mérites. Aussi toute religion dit-elle que c’est l’homme qui jugera l’homme.

Le troisième postulat de la loi morale, qui est l’existence de Dieu, apparaît comme de lui-même. C’est le remords des hommes qui fait paraître Dieu. Et, quant à l’immortalité, il est clair que l’homme doit la vouloir comme il veut sa liberté. C’est un devoir de croire à Dieu et à l’immortalité, attendu que c’est un devoir d’avoir le courage de vouloir vouloir. Il y a ceci de beau dans les vieillards qu’ils ne veulent point mourir, eux qui acceptent la charge de donner courage à leurs semblables. Il y a donc quelque chose de grand dans la cérémonie des obsèques, où l’assistant sent qu’il est jugé lui aussi, et par ce mort inflexible. J’insiste sur ces