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PHILOSOPHIE DE KANT

dire qui n’apparaît jamais. Cette unité ne peut être une chose ; c’est l’âme elle-même, c’est le jugement, c’est l’être de la liberté, qu’on ne peut jamais saisir, et dont la marque est partout. Que le monde apparaisse sous l’unité originairement synthétique, ce n’est pas encore assez. Ce n’est peut-être qu’une illusion ; ce n’est peut-être que subjectif ; mais il est absurde de penser le monde comme subjectif. Qu’est-il donc ? Voilà la question qui n’est jamais posée. Pourquoi y a-t-il un monde ? Car l’esprit est par soi ; mais le monde répond-il à l’esprit ? Présente-t-il à l’esprit au moins une image brisée ? On a assez dit que le monde n’est connu que comme représentation. Mais n’est-il que représentation ? Comme il nous faut une intuition pour percevoir, il nous faut aussi un sentiment pour juger. Quels sont les signes, et le monde nous fait-il des signes ?

Oui, le monde éveille en nous des sentiments vifs. Dans quels cas ? Surtout quand il s’agit d’organismes. Alors, en eux, l’éternité est, car il est clair qu’ici les parties dépendent du tout. Et c’est ce qu’on exprime en disant qu’elles sont