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L’HISTOIRE

apercevoir ici l’influence de Jean-Jacques Rousseau, qui fut telle sur le philosophe à ce point sensible qu’il le relisait jusqu’à user l’émotion qu’il craignait pour la Critique. Ceux qui aiment trop Rousseau, et je suis de ceux-là, apprécieront ici le cœur du philosophe de Kœnigsberg, si austère dans sa froideur de moraliste, mais aussi tendre que le plus tendre des hommes, et qui doit avoir à se battre contre la grande idée de finalité qui lui a souri. Donc il est le plus poète des philosophes et digne de sa grande postérité, où, dans la philosophie allemande, on a vu s’unir les grandeurs du sentiment aux rigueurs de la pensée. Schelling, Hegel en témoignent assez. Je donne par là une fidèle idée de la Critique du jugement téléologique ; question réglée, pensait-on ; oui, réglée pour le philosophe, mais non pas pour l’homme des Confessions. Car il s’agit de l’homme, non pas perdu dans sa réflexion, mais qui au contraire retrouve tout l’homme dans l’histoire, et toute la pensée dans les religions et les temples. Tel fut le texte de la philosophie allemande, dans la belle époque qui suivit