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PHILOSOPHIE DE KANT

Kant et qui vit encore. Tous alors supposent que l’homme juste est la fin de l’histoire ; tous développent le sens commun, qui n’est plus la froide raison, mais plutôt le cœur commun, car ce n’est pas trop dire ; mais c’est la troisième Critique qui l’a découvert. C’est la religion de l’homme, tant de fois promise et figurée, qui mettra fin aux guerres fratricides (elles le sont toutes). Reconnaissez, mon cher, que Kant marche encore devant nous.

Quel est enfin l’objet de la Critique du Jugement ? C’est, encore une fois, nous détourner de l’argument facile, qui, dans le simple sentiment, nous montre l’âme et Dieu. Cette théosophie est bien respectable ; mais, si l’on s’en contente, on manque au respect que l’on doit à sa propre pensée. Jamais un concept, subjectif en notre âme, ne peut nous prouver une existence sans la perception. Et le sentiment du noumène ne peut suffire à nous faire connaître quoi que ce soit, immortalité ou Dieu. Mais qu’importe, dit le croyant. C’est cela même qui est la fausse religion, exactement l’idolâtrie de la raison. Tout concept ainsi changé en