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SANS CONCEPT

croire à l’esprit ; il suffit qu’on puisse y croire, et croire est une récompense. Nous sommes ici dans les mystères de l’esprit et dans le plaisir de connaître. Le beau est une preuve de ce savoir ; mais non pas une preuve, plutôt un exemple. Un chanoine disait de son frère, parfait incrédule : « Il ne peut pas croire ; il n’aime pas la musique ». Contre quoi le frère protestait tant qu’il pouvait. Le chanoine prouvait trop, comme tous les chanoines. Il est pourtant vrai qu’on se juge en droit d’exiger l’approbation de tout homme devant la beauté. Et ce qui paraît, dans le quatrième moment, c’est le sens commun, que prouve la beauté, et qui définit l’homme comme fin en soi ; comme l’égal et le semblable de tout homme. En sorte que l’absence de goût exclurait un homme de l’espèce. Cette idée de l’Humanité, dès qu’on la découvre, est la source de puissants sentiments qui ne permettent plus de haïr ni de condamner le frère homme.

Le sublime nous rapproche plus encore de la fraternité. Car ce qui paraît dans le sublime, c’est l’esprit, tellement au-dessus