Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/104

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choses prépare mal à comprendre les faits purement humains, qui dépendent des passions, et met hors d’état de les prévoir assez.

Je voudrais appeler Humanisme l’autre parti, dont nous ne connaissons, sous le nom de radicalisme, qu’une esquisse assez mal formée. L’Humanisme a pour fin la Liberté dans le sens plein du mot, laquelle dépend avant tout d’un jugement hardi contre les apparences et prestiges. Et l’Humanisme s’accorde au Socialisme, autant que l’extrême inégalité des biens entraîne l’ignorance et l’abrutissement des pauvres, et par là fortifie les pouvoirs. Mais il dépasse le Socialisme lorsqu’il décide que la Justice dans les choses n’assure aucune liberté réelle du jugement, ni aucune puissance contre les entraînements humains, mais au contraire tend à découronner l’homme par la prépondérance accordée aux conditions inférieures du bien-être, ce qui engendre l’Ennui Socialiste, suprême espoir de l’ambitieux. L’Humanisme vise donc toujours la puissance réelle en chacun, par la culture la plus étendue, scientifique, esthétique, morale. Et l’Humaniste ne connaît de précieux au monde que la culture humaine, par les œuvres éminentes de tous les temps, en tous, d’après cette idée que la participation réelle à l’Humanité l’emporte de loin sur ce qu’on peut attendre des aptitudes de chacun développées seulement au contact des choses et des hommes selon l’empirisme pur. Ici apparaît un genre d’égalité qui vit de respect, et s’accorde avec toutes les différences possibles, sans aucune idolâtrie à l’égard de ce qui est nombre, collection ou troupeau. Individualisme, donc, mais corrigé par cette idée que l’individu reste animal sous la forme humaine sans le culte des Grands Morts. La force de l’Humanisme est dans cette foule immortelle.