Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/144

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ce signe, celui-là est humain. L’autre est inhumain, qui brandit cette vérité en forme de lance. C’est la force de l’arbre, mais mutilée.

Humanité, voilà un mot chargé de sens. Et tous les sens se trouvent ramassés ici. Car celui qui n’a qu’une idée sera toujours méchant pour quelqu’un. Prenez toujours haine comme fanatisme, et fanatisme comme signe de pauvre culture. On s’étonne qu’il y ait apparence de vérité contre, ou seulement à côté. Pour moi, faisant la revue de ces Infaillibles qui poussaient au massacre, j’ai partout reconnu le Pédant.

Si la pensée est contre les passions, c’est par la contemplation riche. Non pas deux ou trois idées, mais toutes ; car il n’y a que le tout qui soit vrai. Ce que la théologie dit assez bien, si on veut la comprendre. D’où une attention de piété, si naturelle, aux idées que l’action veut effacer. Mais l’idée actuelle, l’idée utile, l’idée arme, ce fut le triomphe des sots. À mes yeux ces pauvres doctrines de propagande, répétées sur le même ton, avec les mêmes mots, ces discours officiels dont quelqu’un disait : « C’est très bien, et ce n’est rien », tout cela doit être surmonté, car ce qu’il y a de vrai là-dedans risque de périr par le ridicule. On le sauvera en le contrariant. J’ai surpris ou deviné plus d’un contemplateur dans les casemates. Effet imprévu de la grandeur d’âme, qui ne s’accommode de rien de petit. Vous leur avez taillé, Messieurs de l’Académie, des vêtements qui ne leur vont guère.