Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/198

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la Famille porte tout. Mais ce n’est que la condition inférieure, grande seulement par ce qui la dépasse. Riche de promesses ; mais incapable de fleurir d’elle-même en hommes ; en animaux seulement. Élevée et tirée hors d’elle par l’amitié et par la coopération, mais toujours retombant à la nécessité biologique, et à l’esprit mercantile pur, qui, découronné, n’est que routine animale. Il faut cette grande secousse de la Patrie, qui les remet à hauteur de pensée.

Mais qui ne peut les y tenir. La Patrie ne serait qu’une horde, sans les formules humaines. Encore animale, cette fureur de mourir. Ordonnée seulement par les idées et inventions humaines ; généreuse par l’Humanité. Découronnée, la Patrie retombe à la nécessité biologique, sous l’idée de race. Et l’idée de race se détruit comme idée, puisque la noblesse de race suffisant à tout, toute impulsion est vraie et bonne. De là cette prodigieuse sottise, et ridicule, et mortelle pour la Patrie même, chez ceux qui se limitent là. La Patrie sans sa couronne, c’est quelque chose d’animal encore. Une Patrie est pensante et puissante par l’Humanité seulement. Non point par l’Humanité en espérance, mais par l’Humanité présente. Le choix est déjà fait. Qui ne sent plus l’Humanité réelle, comme au bout de ses doigts, celui-là n’est plus un homme. D’en bas vient la Force, j’en conviens ; mais d’en haut la Lumière. Une force sans pensée fait rire. Ce n’est que folie animale. Comme on voit en ces peuples naïfs que les petits sociologues admirent. Mais ces peuples sont ignorants et cruels, et sans aucune puissance. Preuve que ceux qui subordonnent la Patrie à l’Humanité sont dans le vrai, à parler strictement et sans aucune hypothèse. Car l’esprit d’Archimède est la force des forces.