nommé est toujours celui qui a fait déjà le travail. Les chefs, toujours bien plus sages qu’on ne croit, demandent quelquefois à un solliciteur plein de zèle : « Mais désirez-vous vraiment cette place ? » En même temps ils pensent : « Y restera-t-il ? » Et le fait est que ceux que j’ai vus envier tout se lassaient aussi très vite de tout. Ils avouaient : « Ce n’est pas si agréable que je le croyais. Il s’y trouve bien des ennuis ». Les métiers sans ennuis sont les métiers qu’on ne fait pas. Très évidemment, quand l’enfant joue au général, il se voit vainqueur.
Une autre pensée peut guérir de l’envie. Communément l’envieux se dit que l’autre a de la chance et que lui-même n’en a point. Cette idée est creuse aussi. La pensée de la chance est une pensée abrégée. Parce qu’on ignore le détail de la vie et des efforts, on trace d’un seul coup une sorte de trajectoire qui est la chance. Si on regardait de plus près à la chance, on trouverait un résidu qui est sans doute la bonne humeur ; car cette humeur plaît, elle donne confiance, elle signifie déjà une suite de petits succès. Et voici mon idée. Celui qui se plaint de la chance des autres se plaint aussi de la sienne. Il se fait ainsi, sans y prendre garde, le visage d’un homme qui n’a pas réussi. On nomme cruellement paratonnerres ces hommes qui attirent la foudre. Cette expression, inscrite dans les traits, dans le geste, dans l’attitude, n’aide pas beaucoup à parvenir, comme on le pense bien. Je suis assuré que la moindre trace de misanthropie sur un visage fait qu’on écarte l’homme comme s’il était malade, et d’une maladie qui se