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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/116

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

revanche l’homme le plus simple est infaillible dans la position de l’arbitre, c’est-à-dire quand il a à juger de ce qu’il connaît bien, sans avoir le moindre intérêt à pencher d’un côté ou de l’autre. Ainsi, parce que les passions sont inconstantes, parce que l’erreur change comme une fumée, et parce que le vrai nous attend toujours, le bon jugement finit par sortir, et tous s’y accordent. C’est ainsi que dans les sciences, et même dans les beaux-arts, tout se trouve en juste place dans un tourbillon pourtant d’erreurs étonnantes. Et, même dans la politique, où les opinions sont toutes passionnées, il vient un moment où la poussière se rabat, et où les événements et les hommes se dessinent passablement. L’affaire Dreyfus en offre un exemple incroyable. Mais aussi quel est l’homme qui ne juge pas en arbitre de ses erreurs passées ? Les hommes sont tous de grands fous ; mais les mêmes hommes sont de grands sages aussi.

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