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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/256

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

blent merveilleux, parce que nous ne comptons jamais la confiance pour ce qu’elle vaut. Pour fendre une bûche, il faut premièrement croire qu’on la fendra. Le moindre doute arrête le coup. Cela ne veut pas dire que la confiance suffit à tout ; il y a des nœuds plus forts que nous. Mais dans les choses faisables, et juste mesurées à notre puissance, il est clair que l’idée que nous n’allons pas réussir nous rend inférieurs. Et, dans l’exemple du coup de hache, on comprend très bien pourquoi. C’est que l’imagination n’est point une puissance d’esprit seulement ; elle est dans nos muscles ; elle consiste dans une esquisse de mouvement, dans un geste, dans une attitude. Or imaginer que le coup ne passera pas, c’est la même chose que l’arrêter. Il est vrai, physiologiquement vrai, dans cet exemple, que celui qui n’a pas confiance ne se bat pas avec toutes ses forces. Parce qu’il n’est pas heureux en espoir, il ne sera pas heureux dans le fait.

Nos coups de hache, dans les affaires humaines, sont étrangement compliqués ; nous coopérons ; nos succès dépendent de tous ceux qui travaillent avec nous. Et tous ces efforts, d’organisation, de publicité, d’économie, de simplification, de concordance, sont régis par la loi du bonheur. La confiance se communique, et la défiance aussi ; d’innombrables coups de hache, si l’on peut dire, petits et grands, sont donnés à toute force sous l’idée que l’on va réussir, ou au contraire arrêtés et comme niés par l’idée qu’ils ne fendront pas la bûche. Une entreprise,

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