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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/272

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

au vent ; à nos yeux c’est plutôt déterminisme ou fatalité. Vous autres raisonneurs, vous me faites penser à ces sorciers des tribus arriérées, qui font des incantations pour appeler la pluie. Nos savants sont bien fiers quand ils annoncent la pluie douze heures avant qu’elle tombe. Et remarquez que ces cyclones humains, ces orages entre les peuples, ces pressions et dépressions qui courent et se propagent par-dessus les frontières, atteignent le plus haut degré de complication concevable. Car les eaux, les vents et les terres y sont, et les intérêts humains et les passions humaines encore en plus. Nous sommes embarqués là-dessus ; le pilote n’a pas le vent qu’il voudrait ; qu’il jure ou sacre, il faut toujours qu’il arrive à s’arranger de celui qu’il a. »

« Mon cher, lui répondis-je, le pilote ne regarde point tous les plis de l’eau. J’ai lu, dans Stevenson, observateur toujours en ses fantaisies, que chacune des vagues, vue de près, est faite d’autres vagues qui y dessinent des creux, des chemins en pente, des plateaux, comme sur nos collines, mais d’un moment, sur quoi chemine la barque, au lieu de rouler à l’abîme. Le pilote ne fait point attention à ces petits chemins, ni à ces petits obstacles ; mais seulement à la route qu’il tient et à ses moyens, qui sont voile et gouvernail. À sa puissance, non à son impuissance. À ce qu’il veut, et non à ce que veut cet océan, qui tout compte fait ne veut rien. En toutes ces forces qui se heurtent, constance, fermeté, courage font leur chemin. »

« Mais, dis-je encore au politique, il y a mieux à