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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/278

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LXXX

DOCTRINE DE L’ACTION

Un sage qui cultive son jardin et ne parle guère, se vante d’avoir fait tenir toute la doctrine de l’action en deux chapitres dont chacun n’a qu’un mot. Premier chapitre, continuer. Deuxième chapitre, commencer. L’ordre, qui étonne, fait presque toute l’idée. Méditer vaut mieux que discuter. Par ce moyen, les deux chapitres feraient bientôt un gros livre. Voici un sommaire du gros livre.

Continuer, c’est le seul moyen de changer. Quand l’idée vous vient de changer, c’est signe que le métier commence à entrer et à piquer, au lieu de caresser. C’est le moment rugueux ; c’est l’épreuve de l’homme. Un métier qui n’est pas rebutant n’est pas encore un métier ; l’homme n’y est qu’amateur, selon un admirable mot, et qui enferme un juste mépris. L’amateur s’amuse ; le point où cesse l’amusement, il ne le passe jamais. Quand donc le métier ne va plus tout seul, cela nous avertit de le faire. Il faut alors se tourner vers soi et donner de soi. Enfin le métier n’est plus agréable ; il n’y a plus qu’à le bien faire. L’athlète qui est récompensé au commencement est bien trompé par cette faveur de fortune ; ce qu’il amasse, c’est le contraire du courage. L’heureux succès lui fait perdre de vue la nécessité de vouloir. Quand vient