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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/279

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DOCTRINE DE L’ACTION

le moment difficile, où il faut tenir bon, c’est alors qu’il lâchera tout, cherchant un métier qui aille tout seul ; mais un tel métier n’existe pas.

Stendhal conte qu’étant jeune il restait la plume levée, attendant le génie. Il n’a pas eu la chance, dit-il, de trouver le bienfaisant ami qui lui aurait dit : « Écrivez vingt lignes tous les jours, génie ou non ». J’ai aperçu ici un des secrets de l’art d’écrire. Ne raturez pas, continuez ; une phrase commencée vaut mieux que rien. Si la phrase est gauche et caillouteuse, ce sera une leçon pour vous. Je suis assuré que le poète n’achève ses étonnants miracles qu’en s’appliquant plutôt à continuer qu’à changer. Ne dites pas que vous vous moquez de l’art d’écrire ; c’est un art nécessaire en tout métier, et l’on perd bien du temps à effacer et à recommencer. La rature n’est pas le moyen de s’épargner des ratures ; bien au contraire ; car on prend l’habitude d’écrire n’importe comment, par l’idée qu’on pourra changer. Le brouillon gâte la copie. Essayez de l’autre méthode ; sauvez vos fautes. Ces remarques sont bonnes pour tous les arts et pour tous les travaux. On dit que Calmann-Lévy, l’ancien, le fondateur de la dynastie, battait la semelle devant une petite boîte de livres accrochée au mur. Selon mon opinion, la puissance de réussir, si commune chez les Juifs, vient d’une opinion métaphysique selon laquelle on n’est pas au monde pour s’amuser.

Le deuxième chapitre attend. Commencer, si ce mot vient après l’autre, c’est s’y mettre tout de suite, et réduire, comme je dis souvent, le temps de