de guerre, les projectiles mis à part, était bonne pour la santé. J’ai pu m’en rendre compte, ayant mené pendant trois ans l’existence du lapin de garenne, qui fait trois tours dans la rosée, et rentre en son trou au moindre bruit. Trois années sans ressentir autre chose que la fatigue et le besoin de dormir. Or, j’avais l’estomac de mon siècle, et je traînais une maladie mortelle depuis mon âge de vingt ans, comme tous ceux qui pensent sans agir. On a bientôt dit que cette prospérité du corps tient à l’air campagnard et à la vie active ; mais j’aperçois d’autres causes. Un caporal d’infanterie, le même qui me disait : « Nous n’avons plus peur ; nous n’avons plus que des transes », vint un jour à mon abri avec un visage qui exprimait le bonheur, ce Cette fois, dit-il, je suis malade. J’ai la fièvre ; le major me l’a dit ; je le revois demain. C’est peut-être la typhoïde ; je ne tiens plus debout ; le paysage tourne. Enfin c’est l’hôpital. Après deux ans et demi de boue, j’ai bien mérité cette chance-là. » Mais je voyais bien que la joie le guérissait. Le lendemain il n’était plus question de fièvre, mais bien de traverser les agréables ruines de Flirey, et pour gagner une position encore pire.
Ce n’est pas une faute d’être malade ; la discipline ne peut rien dire contre, ni l’honneur. Quel est le soldat qui n’a point guetté en lui-même, dans les transports de l’espérance, les symptômes d’une maladie, même mortelle ? On finit par penser, en ces jours atroces, qu’il est bien agréable de mourir de maladie. De telles pensées sont bien fortes contre toute maladie. La joie dispose le corps, en son intérieur, mieux que le plus habile médecin ne saurait