Page:Alanic - Aime et tu renaitras.djvu/16

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Les deux jeunes femmes, assises aux angles opposés d’un même compartiment, semblaient aussi attentives à ces plaisants tableaux qu’indifférentes l’une à l’autre. Cependant, quoiqu’elles voulussent s’ignorer, elles avaient dû quand même exercer mutuellement cette faculté féminine qui permet, en un seul coup d’œil, de relever un signalement complet. La brune fille en deuil, qui penchait à la portière de l’ouest une figure irrégulière mais piquante, aux yeux noirs pétillants, aux frisures capricieuses, échevelées par la brise, non seulement avait étudié d’un regard furtif la toilette de foulard bleu à ramages défraîchie, le toquet hérissé de plumes blanches, le profil délicat un peu court, la bouche rougie à la fraise, les longs cils palpitants sur une joue nacrée, les bandeaux cuivrés de sa compagne d’occasion ; mais elle conjecturait déjà, à voir la main nerveuse tourmenter la courroie de la glace, le petit pied battre le tapis, les dents mordeuses ronger la lèvre charnue, que l’inconnue comprimait une violente agitation morale.

Et rassemblant ces indices, l’esprit agile de Thérésine Jouvenet s’exerçait au petit jeu des questions : « Parisienne ? Étrangère ? Actrice ?