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Le Voyage


C’est un tableau sublime et plein de rêverie,
Par un soir de printemps, qu’une mer en furie ;
C’est pour les yeux surpris une terreur sans nom
Que cette immensité de flots sans horizon,
Qui, luttant sans merci sous la voûte brumeuse,
Brisent dans l’air épais leur crinière écumeuse,
Et, contre les deux flancs d’un vaisseau ballotté,
Épuisent sans succès leur effort irrité.
Mêlant à ceux du ciel l’orage de son âme,
Edmond suivait des yeux la fureur de la lame ;
Mais le farouche bruit du vent et de la mer,
Loin de l’épouvanter, le laissaient calme et fier.
Si son front accoudé trahissait la souffrance,
L’amour dans son regard allumait l’espérance.
Il rêvait. Il avait dans l’oreille l’écho
De Nella l’appelant dans un dernier sanglot.
La mer n’étouffait pas le bruit de cette plainte.
Il revoyait toujours Rome, la ville sainte,
La rue obscure où, seule au milieu du brouillard,
Il laissa son amante à l’heure du départ.