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La France et Rome de 1700 à 1715

vernements civils. C’est à peine si les zelanti distinguent entre les schismes, qui brisent le lien ecclésiastique, et les concordats qui le détendent, entre la rupture violente et la demi-liberté. Pour eux, — et le P. Roslet en avertit le cardinal de Noailles : « Les maximes de l’église gallicane paraissent plus pernicieuses que celles de l’anglicane[1]. » En un mot, à Rome et hors de Rome, ce n’est plus le même christianisme : ici, une doctrine consolante qui engourdît les tristesses de l’âme ; là, une autorité impérieuse qui vise à l’universelle domination.

Vue sous ce jour, la vie cardinalice cesse d’être monstrueuse ou parfois même impie en ses raffinements de luxe et d’ostentation, pour ne plus nous apparaître que comme une vulgaire maladie de l’orgueil, portée à son acuité suprême, centuplée par la force du sentiment religieux et la crédule obéissance des foules. Prenez, à quelque époque que ce soit, la liste du Sacré Collège ; notez combien de ridicules y grouillent, combien de vices s’y alimentent, combien d’infamies s’y perpètrent, et quelle somme de bassesses humaines se peut et se doit réunir pour qu’il en sorte, par élection, sinon par sélection, un pontife souverain et infaillible[2] ! À cette fin d’année 1711, où le roi demande au pape une mesure funeste aux destinées de l’église comme à la paix de la France, quels sont les personnages qui détiennent, autour de Clément XI, nerveux et flottant, le mystérieux, le redoutable pouvoir de

  1. Aff. étr. Rome, 487. Le P. Roslet au cardinal de Noailles, 7 mars 1711.
  2. L’évêque de Ramiers, J.-B. de Verthamon, dans une lettre à Colbert, évêque de Montpellier (17 janvier 1724), jugeait en ces termes le Sacré Collège : « Si ceux qui portent la pourpre avaient écrit sur leur front ce qu’ils ont fait pour y parvenir, ils n’en seraient pas si enflés. » Archives d’Amersfoort.