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LE DIX AOÛT

beaux discours à une pétition des Jacobins de Blois, Vergniaud se demandait, le 3 juillet, si le roi ne s’était pas mis dans le cas de l’article de la Constitution qui prononçait son abdication au cas où il ne s’opposerait pas par un acte formel aux entreprises faites en son nom contre la Nation. « C’est au nom du roi, disait-il, que les princes français ont tenté de soulever contre la Nation toutes les Cours de l’Europe ; c’est pour venger la dignité du roi que s’est conclu le traité de Pillnitz et formé l’alliance monstrueuse entre les Cours de Vienne et de Berlin ; c’est pour défendre le roi qu’on a vu accourir en Allemagne sous les drapeaux de la rébellion les anciennes compagnies des gardes du corps, c’est pour venir au secours du roi que les émigrés sollicitent et obtiennent de l’emploi dans les armées autrichiennes et s’apprêtent à déchirer le sein de leur patrie… » Le réquisitoire était si formidable qu’on crut que Vergniaud allait conclure à la déchéance immédiate. Mais le grand orateur déçut, à cet égard, l’attente de Mme Roland qui lui en garda rancune. Après avoir brandi la foudre, il tourna court et proposa simplement une adresse au roi où il exprimait l’espoir que les suppositions terribles qu’il venait de faire resteraient de simples hypothèses que le roi dissiperait.

L’émotion produite par le discours de Vergniaud était à peine calmée que Condorcet revenait à la charge, le 6 juillet, dans un discours très étudié où il établissait que la Constitution ne devait pas être interprétée dans un sens restrictif des droits des représentants du peuple, car autrement « dans les grands dangers de la patrie tout dépendrait encore d’un seul homme et la Révolution n’aurait fait que varier les formes du despotisme ». Après une