Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/140

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coutume d’offrir ses œuvres en présent, car, disait-il, nul salaire ne les saurait payer. En effet, il pensait qu’aucun prix ne pouvait satisfaire l’homme qui, en peignant ou en sculptant des êtres animés, se considérait lui-même comme un dieu parmi les mortels. Donc, la peinture a cet honneur, que ceux qui la savent éprouvent, en voyant admirer leurs œuvres, comme un sentiment de leur ressemblance avec la Divinité. Et vraiment, n’est-elle pas la maîtresse et le principal ornement parmi tous les arts ? C’est du peintre que l’architecte tient, si je ne me trompe, les architraves, les chapiteaux, les bases, les colonnes, les faîtes et toutes les richesses des édifices. C’est évidemment par la règle et l’art du peintre que le lapidaire, le sculpteur, les officines d’orfèvreries et tous les arts manuels sont dirigés ; enfin, il n’en est presque pas, si infime soit-il, qui n’ait quelque rapport avec la peinture. Si bien que tout ce qui touche à l’ornement semble, j’ose le dire, lui être emprunté. Elle a d’ailleurs été, par-dessus tout, tellement honorée des anciens, qu’alors que tous les artisans étaient compris sous la dénomination de fabri, le peintre seul en était exempt. Cela étant, j’ai coutume de dire, parmi mes familiers, que l’inventeur de la peinture doit être ce Narcisse qui fut métamorphosé en fleur. Qu’est-ce que peindre, en effet, si ce y n’est saisir, à l’aide de l’art, toute la surface d’une onde ? Quintilien suppose que les premiers peintres avaient coutume de circonscrire les ombres au soleil et d’augmenter leur travail par des adjonctions. Il y en a qui disent qu’un