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DE LA PEINTURE

Il faut donc que les mouvements du corps soient parfaitement connus du peintre, et c’est dans la nature qu’il devra soigneusement les étudier. C’est une chose fort difficile, attendu que les mouvements infinis de l’âme font varier également ceux du corps. Quel est le peintre, s’il n’est très-expert, qui pourra croire jusqu’à quel point il est difficile, quand on veut rendre un visage qui rie, de ne pas le faire plutôt pleurant que joyeux ? Bien plus, qui se sentira capable, sans une étude et une application infinies, de traduire un visage où la bouche, le menton, les yeux, les joues, le front, les sourcils, s’accordent ensemble pour exprimer la douleur ou la joie ? C’est pourquoi il faut, là-dessus, consulter la nature, et imiter toujours, en premier, les aspects les plus fugitifs. Mais il faut peindre, de préférence à ce qui frappe seulement les yeux, ce qui cause une impression à l’âme.

Avant tout, disons quelque chose sur ce que nous a suggéré notre propre génie touchant les mouvements. Et d’abord, je crois qu’il importe que les corps, selon ce qu’ils ont à faire, se meuvent entre eux avec une certaine grâce. En outre, j’aime que, dans un sujet, il y ait quelqu’un qui fasse aux spectateurs comme un signe de la main, les invitant à voir ce qui s’y passe, ou bien, si au contraire il s’agit d’un acte mystérieux, que ce même personnage leur indique de s’éloigner par un visage et des yeux épouvantés ; qu’il* te démontre enfin qu’il y a là ou un danger ou quelque merveille, et que, par ses gestes, il t’engage à rire ou à pleurer. Bref, il faut que tout ce