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DE LA PEINTURE

que font les personnages entre eux, comme par rapport au spectateur, soit autant d^actes qui concourent au rendu et à l’éclaircissement du sujet. On vante le Cypriote Timanthe de ce que, dans le tableau par lequel il l’emporta sur Colotès [1], ayant fait Calchas affligé du sacrifice d’Iphigénie, Ulysse plus triste encore, et ayant réuni sur Ménélas tout ce qu’il avait d’art et de ressources pour exprimer le chagrin, comme il avait épuisé les formes de l’affliction et ne trouvait rien qui pût rendre la douleur du père, il lui couvrit la tête d’une draperie, laissant ainsi au spectateur à s’imaginer par son propre cœur une désolation plus grande que celle qu’eussent pu percevoir ses yeux. On vante également, à Rome, le navire de M. Giotto, peintre toscan, où il exprima si bien l’épouvante et la stupéfaction des onze apôtres à la vue de leur compagnon marchant sur les ondes, que chacun, à part soi, laisse voir le trouble de son âme et représente différemment, par les attitudes corporelles, l’effroi dont il est saisi.

Mais déduisons rapidement tout ce passage sur les mouvements. Il y a ceux de l’âme, que les doctes nomment des affections, comme la colère, la douleur, la joie, la crainte, etc. Les autres sont propres au corps. On dit que les corps se meuvent différemment, selon qu’ils croissent ou diminuent, qu’ils passent de l’état sain à l’état malade, et retournent de la maladie à la santé ; ou bien en-

  1. Colotès (Κολώτης), peintre grec qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, sculpteur élève de Phidias.